Journal de bord
Ce carnet appartient à Kurt Waise d'Altdorf. Si par malheur il échoue entre vos mains, ayez l'amabilité de le transmettre à Karl Rosenburg, magister du collège Gris
Jour 3
Il est grand temps d'ouvrir un journal, et ce pour deux raisons. La première est simple, je dois avoir accès à tous les détails de ce qui va m'arriver dans les prochains jours/semaines à des fins d'analyse si je veux pouvoir comprendre ce qui s'est passé et retrouver celui qui m'a piégé. La seconde est un peu moins optimiste, je voudrais que ces notes soient transmises à mon maître dans le cas ou il m'arriverait malheur. Commençons.
Il y a deux semaines, maître Rosenburg s'est absenté pour des raisons qu'il n'a pas voulu m'expliquer. Des affaires de l'ordre gris j'imagine. Il a quitté Altdorf en pleine nuit et n'a pas donné de nouvelles depuis. J’ai donc poursuivi mon entraînement seul, principalement via des visites à la bibliothèque du Collège. Ce n’est pas la première fois que mon maître s’absente pour des raisons que je n’ai pas à connaître. Sa fonction au sein du Collège gris l’oblige souvent à partir en mission pour ses pairs.
Les consignes qu’il m’avait laissé étaient simple, je devais assister à une entrevue entre un émissaire du Seigneur Haut Elfe Duredel et un membre de notre Ordre dont j’ignorais le nom également. La rencontre devait avoir lieu dans une antichambre de l’ambassade elfique à Altdorf. J’avais pour mission de me camoufler dans la pièce et de rapporter à mon maître le maximum d’informations échangées par les deux hommes. Comme souvent, j’ignorais s’il s’agissait d’un exercice imaginé par maître Rosenberg pour tester mes capacités ou d’une réelle mission d’espionnage.
Cependant, trois jours avant d’accomplir ma tâche, le passé a décidé d’éprouver ma nostalgie d’une façon bien singulière. Quatre membres d’un nouveau gang local m’ont interpellé au détour d’une ruelle. J’en ai immédiatement reconnu trois : “Herzog”, “Kleine Faust” et “Judd”. Tous les trois avaient énormément changé depuis l’époque où nous faisions la tire pour le Kinderbaron. Ils avaient grandi eux aussi, et n’étant plus assez discrets et insignifiants pour les missions du chef des bas-quartiers, ils avaient manifestement changé d'allégeance. Je n’avais par contre jamais vu le quatrième homme de ma vie, et il ne prit pas le temps de se présenter. Il était maigre, les yeux gris perçants comme des poignards et une fine cicatrice sur le bord des lèvres.
Ils voulaient me débaucher, ils avaient un gros coup en préparation et ils recrutaient tous les membres compétents disponibles. Je n’ai pas cherché à en savoir plus, j’ai poliment décliné, sans parler de mes nouvelles occupations, la crainte que m’inspirait la colère de maître Rosenberg était amplement suffisante pour dissuader toute envie de renouer avec mes vieilles habitudes de survie. Le quatrième homme n’a pas ouvert la bouche une seule fois pendant notre échange. Il s’est contenté d’observer sans même hocher la tête lorsque les garçons ont renoncé. Mon quotidien ne fut plus interrompu lors des jours précédant ma mission, mais sachant ce qui s’est passé ensuite, je pense que cet épisode peut être d’une certaine importance.
Le jour venu, je pris l’apparence d’un serviteur de l’ambassade, ce dernier était de toute façon bien trop malade pour prendre son service, la belladone en dose infime donne des maux de ventre impressionnants sans pour autant être mortelle. J’avais repéré l’endroit rêvé pour écouter la conversation, en déplaçant une cloison de bois dans l’antichambre voisine, il était possible de se glisser entre deux cloisons. Une fois en place, le temps me parut long. Et après de longues minutes sans percevoir le moindre son en provenance de la pièce, j’ai décidé de vérifier la présence des deux hommes. Muni d’un plateau de rafraîchissements, je poussais la porte, pour découvrir à ma grande surprise les cadavres des deux hommes gisants sur le sol. Et par un hasard que je soupçonne aujourd’hui de ne pas en être un, des cris d’alerte se firent entendre partout dans l’ambassade à ce moment préci.
J’ai fui par une fenêtre, mettant mes compétences d’escalade au défi. La chute ne survint pas trop vite, et ne fut donc pas trop longue. Mais suffisamment pour m’estropier au passage. Je n’avais pas réussi à maintenir le sort de changeforme suite à cette cascade, et de nombreux gardes ont vu mon visage lors de la poursuite qui s’ensuivit. Ma connaissance des bas-quartiers m’a sauvé la vie ce soir là, j’ai semé plusieurs groupes dans les ruelles tortueuses. Une fois en vue des portes du collège gris, j’ai pu distinguer un groupe armé muni de torches qui discutait avec un magistère gris devant la porte. Étrangement, ils ne semblaient pas appartenir à la garde, mais l’homme qui semblait les diriger a clairement prononcé mon nom à plusieurs reprises dans sa colère. Il n’était donc plus question de repasser par ma chambre. J’ai donc fui Altdorf, changeant d’apparence pour passer les postes de gardes. Me cachant à l’arrière du chariot d’un commerçant. Rejoignant un groupe de pèlerins sur les routes. Poussant vers l’Est à défaut d’un meilleur plan.
Cela fait trois jours que je suis en fuite, ce carnet que j’ai volé et les vêtements que je porte constituent mes dernières possessions. Je commence l’ouverture de ce journal à des fins d’enquête, mes plus grandes interrogations à ce jour concernent mes anciennes connaissances de la rue, les hommes d’armes qui connaissaient mon nom, et le motif réel de l’entrevue entre l’elfe et le magistère. J’espère trouver un moyen de contacter maître Rosenberg prochainement, en espérant bien sûr qu’il ne soit pas mêlé à tout ça.
Jeu 10 Jan 2019 - 12:29